Bar de la licorne [PV kat']

-T’ain ! fait chier quoi !

Je venais de pousser les portes battantes d’un bar inconnu sur une île inconnue. Qu’est-ce que je faisais là ? Simple, je venais de débuter mon périple de tout nouveau pirate. En fait, j’ai déjà vécu une vie de pirate, j’ai été élevé sur un navire avec le Jolly Roger. Le jour de mes seize ans, je me suis décidé à vivre la grande vie, l’aventure, la vraie… Ce qui m’a amené à travailler comme pécheur pendant deux ans. Pas si génial l’aventure. Il aura fallu la rencontre d’une vieille connaissance pour me rappeler mes grandes déclarations, mes grands espoirs. Pire que ça, pour m’apprendre la disparition de mes parents…

Je peux vous dire que le choc a été une vrai claque dans la tête, logique en même temps. D’un coup, d’un seul, un vide, une peur presque tangible c’est créé en moi. Comme si en un instant, des souvenirs des deux années écoulés m’étaient rajoutés de force, come si cette nuit-là, je sortais d’un trop long coma…

Que faire dans ces conditions ? La seule chose à laquelle j’ai pus penser a été de les retrouver. J’ai donc tout plaqué pour repartir sur les mers, menés la vie d’hors-la-loi, de brigand, de perroquet qui parle et de jambe de bois. Le souci étant que je n’étais pas là pour me faire des amis ni inclure un équipage. Je n’avais que faire des autres et j’envoyais balader tout le monde ou presque. Je préférais même effectué un voyage en mer avec des navires marchand, pécheur,… bref, légal qu’avec une bande de pirate. C’est le comble n’est-ce pas ?

Le seul souci c’est que rien n’est jamais sûr, c’est du coup par coup. Résultats, après un nouveau périple où j’ai payé ma traversé en péchant pour le navire pendant une semaine, je fus déposé sur cette île, Ogochiba. Simple île dans l’immensité bleue. Tout ce qui a de plus banal à vrais dire, même pas de garnison de marine. Ce n’est pas non plus comme si j’en avais peur, je n’ais aucun fait d’arme, aucune prime pour m’en inquiéter. Je pourrais aller saluer un gradé et en ressortir aussi libre comme l’air.

Dans tout les cas me voici donc dans la plus grande rue du coin. Une rue entourée sur ses deux côtés de boutique, bar,… LA zone économique. L’attrape-touriste s’il y avait eu des touristes. J’avais donc commencé à l’arpenter, mon regard dansant d’une enseigne à l’autre, évaluant chacune d’entre elle pour trouver celle dont les tenants sauraient me renseigner sur les « Poissons-volants » et à defaut, me provisionner de quoi allé sur un autre bout de terre entouré d’eau.

Mais le destin en avait décidé autrement. Une averse s’abattit sur la ville en quelques secondes, à peine une minute en fait. Si j’avais décidé de la subir sans déroger à mes plans, je dus vite me rendre à l’évidence, je en voyais pas à deux mètres devant moi et j’étais déjà trempé de la tête au pied. Je pris donc la première auberge sur ma droite sans prendre la peine de voir quel était son nom. J’entrais comme le messi ouvrant les deux palans de bois, amenant avec moi un petit aperçu de l’extérieur. Je promenais mon regard sur l’ensemble de la pièce, un ramassis de paysan, deux-trois garde civil à peine moins trempé que moi, il venait probablement d’arrivé également. Je me déplaçais donc d’un pas lent, soulé dans un bar par l’eau à l’extérieur, le comble…

J’attrapais un tabouret, posais mon énorme harpon contre le bois à côté de moi et appelait le barman d’une main levé. À côté moi se trouvait une jeune femme, probablement la vingtaine. Visiblement une villageoise voir même pire, une sdf au vue de son état physique. Pour autant, ses cheveux argenté, même peu entretenue dégageait une certaine beauté, je devais le reconnaitre. Je pensais un court instant que nos deux cheveux s’accordaient sur notre couleur métallique avant de reporter mon attention sur mon serveur.

-Un Rhum Mugiwara s’il vous plait.

Je soupirais d’aise lorsque le barman m’amena mon dus. Une jolie couleur jaune à l’image du fameux capitaine, une odeur d’ananas cachant à peine celle du rhum. J’allais tout de suite déjà mieux. Je m’apprêtais la déguster avec plaisir, tout doucement la laisser s’écouler dans ma gorge que la fille à mes côtés fut pris d’une excitation soudaine. Je ne compris pas un seul mot de ce qu’elle racontait et me retournais donc vers elle, le visage formant une grimace exprimant parfaitement le « what the fuck ? » qui résonnait dans mon esprit. L’énergumène pointait le sol derrière moi et intrigué, d’autant plus que je ne la comprenais pas, je me retournais vers l’endroit pour y trouver… rien. Que dalle. Nada. Une probable manie de gamine, le genre à taper sur une épaule d’un côté pour filer de l’autre.

Filer. Comme l’avais fait mon doux breuvage d’ailleurs. Un second « what the fuck ? » passa en vitesse sur mon visage, plus énervé celui-ci. Je n’avais pas le temps d’y réfléchir que ma voisine, décidément casse-couille, braillait une nouvelle fois, pointant un mec à peine plus loin. Là, pas besoin de faire un dessin, ni d’un traducteur « Inconnue-casse-couille/Français ». Elle avais vus le voleur et me le livrait directement. Je ne la remerciais même pas pour le coup, sentant ma colère s’emparer de moi, s’annonçant tel le bruit assourdissant d’une charge de cavalerie.

-UUUUOOOÏÏÏ !

Je me levais, faisant envoyer valser mon tabouret et m’approchais de ma cible en faisant rouler mes épaules. Mon regard était braise et rien n’existait autour de ma future victime. Je l’agrippais alors par le col, le soulevant légèrement du sol. Il avait un air terrifié, presque sur le point de pleurer. Il balbutiait quelques « Quoimaiscommentmaisjenecomprendpas ?

-Mec ! MEEEEEEEEC ! Tu peux me dires pourquoi tu fais ça ? T’as pas une thune ? Juste envie de tenter le diable ou t’es tout simplement con ?

L’inconnu répéta la même suite de mot incompréhensible au vue de la vitesse à laquelle il sortait de sa bouche. Ce qui m’énervait encore plus pour être franc. Je n’aime pas passer pour un con et l il enchainait les bourdes. Je me retournais donc vers la femme pour montrer à mon voleur, mon témoin avant de le secouer comme un prunier. Tout du moins c’était le plan. Quand je me retournais, la demoiselle avais très léger traits jaune au dessus des lèvres. Une goutte coulait même sur son menton. De stupeur, j’en lâchais mon présumé voleur.

-Tu te fous de ma gueule fillette ?

En deux enjambés je m’étais rapproché de la sauvageonne, la regardant de mon mètre quatre-vingts. Le pire dans tout ça, c’était que je n’avais pas du tout l’impression que ma menace muette faisait son effet. Elle gardait le même air enfantin sur le visage entouré de boucle argenté. Serrant les poings de colère, je me retenais à grande peine de l’envoyer valsé à travers la salle. Pour avoir eu une mère capitaine de navire, je sais que ne pas frapper les femmes peut-être très con comme morale. C’est alors qu’une idée de génie me parvint. Avec un sourire sadique, je tendais mon bras pour chopper un verre d’un autre client non loin et doucement, tranquillement sans lâcher des yeux ma voleuse, renversait le tout sur ses bouclettes. Voyant la tête de celle-ci et le liquide rougeâtre s’infiltrer dans sa chevelure, je ne pus retenir un grand rire moqueur. Le pire dans tout ça c’est que je ne suis pas quelqu’un de méchant. Juste cette gamine affreuse qui en quelques secondes a fait que je ne pouvais pas la supporter. La devisant toujours, j’exprimais tout mon mépris d’un coup de langue à son encontre.

-Tsss !

Manquait plus qu’un « Gamine » derrière pour exprimer tout ce que je pensais mais je retenais la fin de ma phrase pour plus tard…

Les événements s’enchainaient et surtout les paroles sortaient de plus en plus vite de la bouche de la fille devant mes yeux. Je ne comprenais toujours pas son langage littéral mais au vu de sa tête et son ton de voix, je me doutais qu’elle ne me souhaitait pas la bonne journée. Je m’attendais à ce qu’elle me saute dessus, me griffe ou me tire les cheveux. Comment ça je suis un générateur à cliché ? Pas du tout. Que nenni. Ho oui, elle devait avoir la vingtaine d’année mais si elle ne savait pas parlé, c’est qu’elle devait être retardée mentalement et je situais son âge à 6-7 ans. Une fillette quoi.

Grave erreur. Ou plutôt non, au contraire, j’avais visé dans le mile. Malheureusement je n’avais pas trop l’habitude des filles de son âge et je ne m’étais pas attendu à une bataille de bouffe. L’instant se déroula au ralenti, je la vis prendre le verre du mec d’un côté, celui avec l’horrible cicatrice sur le nez, ramenez son bras avec force avant de stopper le mouvement pour que le liquide s’envole dans les airs et s’écrase sur ma face en un « splash » retentissant. Sur le coup, j’étais trop choqué pour régir. Je sentis mon nez pointé d’indignation, mes yeux se rétrécirent d’incompréhension…

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Oui, je ressemblais à un piaf. Heureusement que sur le coup je n’en savais rien. Bien que j’aie disons « commencé » la bataille d’alcool, je ne pus retenir un cris indigné, une plainte contre elle, son intelligence, Dieu et l’univers. Même contre les licornes arc-en-ciel c’est dire…

-Mais t’es complètement conne ?!!! Tin la mongole !!

Je me retournais, choppant une serviette en papier sur le comptoir pour m’essuyer le visage, je n’allais pas le faire sur ma manche, les vêtements ça coute chers. Apercevant un verre en train de sécher, je fus pris d’un grand rire, le genre assez fou sur les bords, vous savez le « Muhihihi » du grand m’échant quand il prépare son plan infaillible, le même plan qu’il va relever dans un monologue au héros avant d’en prendre plein la tronche. Ce « Muhihihi » donc, retentis dans la taverne alors que j’agrippais le verre retourné par l’anse et d’un mouvement me retournais pour le balancer sur la fillette. Profitant de son futur mouvement pour s’écarter, contrer ou le prendre en pleine tête, peu m’importais en fait, je choppais le verre jumeau qui séchait quelques secondes plus tôt à côté du premier et l’écrasais d’un crochet sur le crâne de la demoiselle. Le jolie bruit de verre brisé, d’indignations (des autres clients surtout bizarrement), vint jusqu’à mes oreilles, m’emplissant de joies. Je me penchais en avant vers ma voleuse, pointant mon doigt au milieu de sa poitrine.

-CHAT !

Et sur ce mot, je me barrais en courant !

Il était une fois l’histoire d’un mec qui était tombé sur gamine casse-couille. Cette dernière l’ayant soulé au plus haut point avais finis pendus par les pieds sur la place d’un village pourri. J’aimais bien cette histoire, surtout car je ne supporte pas les gamines. Surtout car j’en ais une qui arrête pas de me faire chier. Là. Maintenant. M’échappant du bar, mon harpon dans une main, je pensais l’avoir assez humilié pour qu’elle me laisse tranquille. Erreur. Epic Fail diront certains. Au lieu de ça, sans que je ne m’en rende vraiment compte, elle m’a poursuivi dans la rue. J’apercevais déjà le petit port et de nombreux débarcadère quand tout d’un coup quelque chose m’enserra les jambes. Incapables de courir, je m’écrasais face la première sur le pavé.

Déjà, première douleur. C’est supportable mais qu’est-ce que c’est chiant. J’avais juste le nez explosé et une lèvre coupé mais ça pissait le sang. Je me retournais pour comprendre la situation quand la sauvageonne me sauta dessus. Elle m’enfourcha littéralement et peut-être, avec une autre personne, cette situation aurais pus me plaire, sans doute même. Là par contre…

Surtout que ni une, ni deux, elle chopa une pierre et commença à me tabasser. Là, en pleine rue, à la vue de tout le monde. Le pire c’est que je douillais un max ! Elle n’y allait pas de main morte la pouffiasse. Je voyais déjà plus grand-chose, mon œil droit ayant disparus sous un hématome fulgurant. Je frappais donc droit devant moi, de toutes mes forces. Une belle bataille de gamin de rues. Pas ma première, à elle non plus apparemment. Dans tout les cas, je finis par rattraper son cou et serrer sa trachée aussi fort que possible. Moi-même je respirais à grande goulée, les quinze secondes d’acharnement m’ayant mis quelques peu sur le carreau. D’un même mouvement, je la balançais sur le côté tout en roulant pour me dégager de cette position soumise.

-Espèce de…de sale… J’vais te crever !

Je n’arrivais même plus à aligner une phrase entière, encore sous le coup de l’effort et de l’émotion conjugué. Presque à l’aveugle, je repérais mon agresseur en une vague forme devant moi.

-ET JE NE SUIS PAS JOUFFLU !

Les mots qu’elle avait employés venaient de me revenir en pleine tête, comprenant enfin ce qu’elle m’avait dit. Cela n’aurais pas du me toucher mais je n’étais déjà plus dans mon état normal, merci à la demoiselle. Enragé, je saisissais la chaine de mon harpon et commença à faire tourner l’arme au-dessus de ma tête. Avec ma vue détérioré, il me fallait frapper fort, sans faire de détails. Pour ça, j’avais la technique parfaite. Prenant de plus en plus de vitesse et donc plus de poids, j’agrandissais rapidement la porté de mon arme jusqu’à près de trois mètres de longs. Satisfait, sourire vengeur plaqué sur le visage je balayais une large zone devant moi à près d’un mètre de hauteur. Dans ma joie et mon pétage de plomb, je rabattais encore et encore l’engin, ne cherchant même plus à viser un minimum, brisant caisse comme terrasse de café, heureusement vide sous la pluie.

-MOUHAHAHAHA. ENCORE ! ENCORE ! ENCORE !

Quand je repris mes esprits, j’étais en sueur, seul et le bras en compote. Faut dire que cela faisait près d’un quart d’heure que je m’échinais à frapper la petite teigne et avec un œil à moitié aveugle, merci la teigneuse, ce n’étais pas facile de viser. Résultats, j’avais finis par juste frapper de-ci, de-là, au petit bonheur la chance. Sans grande chance d’ailleurs. Si j’avais fait quelques grabuge, ce n’étais encore que peu face à ce que j’avais en tête mais déjà l’épine dans mon pied aux cheveux argentés c’était envolé.

-Tss !

Rageur, mon petit bruit le soulignait bien, je décrochais mon harpon d’un mur, c’était ce qui avais arrêté mes mouvements irrégulier. J’avisais alors que cette île n’étais qu’un bordel sans nom, entre la pluie, les infos inutiles et les filles folle-à-lier, mon court séjour avait été désillusions sur désillusions. Avec fort grognement je finis par harnacher mon arme qui avais réussis à embarquer un bout de tuyauterais du mur de brique, tant pis pour l’habitant de la maisonnée puis repartait enfin vers le port.

Pendant tout le chemin le temps se calma quelques peu, la pluie devint plus douce, « nettoyant » mon corps après les dernières minutes d’intense activité. Plongé dans mes pensées, je souriais à moi-même. Malgré toutes les merdes qui m’étais tombé dessus, voila un moment que je n’avais pas Peter les plombs à ce point-là. Voila un moment que je ne m’étais pas senti aussi inefficace. Voila un moment qu’on ne m’avait pas proposé une adversité comme cette fillette. Bien entendus, je n’avais pas foncé tête baissé dans les ennuis, cherchant à défoncer tout les mecs passant sur mon chemin mais tout ceci me rappelait mon enfance. Ma vie sur le bateau de mes parents, mes premiers pas sur un navire. L’équipage, ma famille de cœur.

Nostalgique, je m’arrêtais pour tendre le cou vers le ciel gris au dessus de moi. Je fermais les paupières, me concentrant sur la sensation des gouttes d’eau s’écrasant sur mon visage. Je sentis monter une joie surprise en moi, tel un tsunami, venus du plus profond de mon âme, un rire éclata dans la rue vide. Mon rire. J’avais l’impression qu’un rideau venait d’être tiré devant mes yeux, de découvrir, de redécouvrir même, la vérité. J’avais crus que seul, j’aurais pus vivre la vie de pirate pour retrouver mes parents. Je m’étais trompé. Me retournant vers la ville derrière moi, j’avais le visage de la fillette dans mon esprit.

Je ne la reverrais pas ce jour-là, ni dans la semaine qui suivrais mais en moi je le savais. D’ici peu de temps, quand sera venus le jour de réunir ma propre famille, mes équipiers ; Je viendrais de nouveau jouer avec la sauvageonne. Peut-être même d’ici-là, j’arriverais à comprendre ce qu’elle disait…