Dernière étape avant les poissons ! [pv]

Fukami me regarda sans dire un mot pourtant je ne pense pas avoir été ni agressive ni menaçante. Au contraire je lui offrais mon aide, après cette bataille c’est plutôt généreux selon moi. Elle finit enfin par ouvrir la bouche, et m’annonça que la bave présente sur mes vêtements séchait très rapidement, et qu’elle allait m’empêcher de faire de grands mouvements. Effectivement je commençais déjà a sentir le tissu se raidir, en particulier autour des épaules. Mais quelle plaie ce pouvoir ! Heureusement que ça m’arrive maintenant, si elle avait été plus haut gradée, avec la puissance équivalente je n’aurais pas eu la moindre chance. J’haussai les épaules et commençai à déboutonner le haut :

« D’accord, dans ce cas il suffit de l’enlever. Face à une perverse telle que toi ça ne devrait pas poser de problème. »

Ma veste salie tomba au sol, et mit à jour un très joli soutien-gorge en dentelle noir et coutures dorées. Je n’allais pas me déshabiller entièrement non plus. Aguicheuse peut être mais jusqu’à un certain point seulement. Par contre ça m’attristait de voir que la lieutenante refusait d’arrêter le combat. Je laissai échapper un soupir et repris la parole :

« Bon, c’était un chouette combat. Extrêmement dégoutant certes mais intéressant. Tu me dois d’ailleurs un tour à la laverie. » Je sortis mon petit den den mushi confortablement installé entre ma poitrine et baissa la voix pour être certaine de ne pas avoir de mauvaise surprise de la part de la limace. « Nagi, c’est Nami. J’ai besoin de toi immédiatement à la grande roue du parc de Shabondy. Et attention le sol est gluant. C’est une question de vie ou de mort. Dépêche-toi. »

J’exagère un petit peu mais il n’en sera que plus motivé, ce grand gaillard. Et dans mon état je ne risquais pas de pouvoir échapper à toute cette bave partout, même si elle s’était un peu solidifiée, cela restait de la bave. A l’avenir il faudra que je me renseigne sur les limaces. Je replaçai mon escargophone à sa moelleuse place et me ré-adressai à mon adversaire en prenant mes dagues en main.

« Bon on fait quoi ? Ah oui, on doit finir ce combat. »

Mon bras droit fit un nouvel arc de cercle et mit au monde une large lame de vent horizontale qui fila à toute vitesse vers le bassin de la lieutenante. Le but étant d’optimiser les chances de la toucher en visant la partie la moins mobile de son corps, et qui soit ni trop haut ni trop bas. Plus qu’à attendre Nagi.

Fukami prit la lame quasiment de plein fouet, elle avait seulement essayé de se déplacer avant que le choc n’arrive et la fasse tomber à terre, douleur comprise. Elle se releva avec difficulté et me lança avec sans doute une pointe de colère dans la voix :

« Faut prévenir Fu' ! Un coup tu dis que c'est terminé Fu', un coup tu dis que non Fu'. Il faudrait savoir Fu' ! »

C’est vrai que je change d’avis comme de chemise mais c’est dans son comportement aussi que j’en ai déduis qu’elle ne comptait pas abandonner. Je ne m’arrête pas si elle n’arrête pas, pas folle la guêpe. J’haussai les épaules et m’apprêtai à lui répondre ce que je pensais, mais un craquement tout sauf naturel me stoppa dans ma lancée. Un rapide coup d’œil dans la direction concernée. Un marine armé d’un fusil à filet venait de se faufiler entre les débris métalliques de la grande roue et avait mal négocier son approche, d’où le bruit. Je regardai ailleurs, deux autres marines répartis aux quatre points cardinaux avaient fait de même, avec plus de silence. Ça c’est extrêmement mauvais. Dans mon état, je ne pourrais jamais me débarrasser d’eux s’ils restent à distance. Et vu leur armement, il y a peu de chance pour qu’ils viennent dans cette mer de bave à moitié sèche.

Le bruit du premier marine fit comprendre aux autres qu’il fallait attaquer immédiatement, ce qu’ils firent tout naturellement. L’action ne dura que deux secondes tout au plus. Deux filets jaillirent dans ma direction, le troisième qui était sensé partir vit son manipulateur s’embourber tout seul dans la bave et perdre ainsi toute mobilité. Pas le temps de réfléchir, je me retournai à toute vitesse avec les bras à mi hauteur, la rotation donna un peu plus de force à ma lame de vent qui fit s’envoler le premier filet pour retomber sur celui qui l’avait tiré. Le second filet eu droit à une autre lame de vent du même type, mais lancée beaucoup sur le vif, et retomba se mêler à la bave dans un « sploch » relativement dégoûtant. Je serrai des dents pour lutter contre la douleur parce que ce genre de mouvement, avec cette vitesse, venait de nécessiter une trop grande partie de ma cheville. Et ça fait un mal de chien ! Je soufflai un moment, pendant un nouveau marine débarqua sur ma gauche et se mit en position de tir, l’arme sur l’épaule et le doigt sur la gâchette. Enfoiré, il va bien réussir à m’achever celui-là. Je pris ma propre arme à feu, toujours aussi sale et inutilisable, et le pointai à hauteur de sa tête :

« Tire-moi dessus et je te jure sur la tête de ta lieutenante que plus jamais tu ne reverrai ta famille. »

La moindre trace de peur dans la voix, ni dans les yeux. Tout dans le bluff. Le soldat ne bougea pas, il s’était même stopper dans son geste, comme s’il hésitait intérieurement entre son devoir et sa vie. Son regard s’attarda sur les cadavres des autres marins, ce qui n’avait pas du tout l’air de l’aider à choisir. Puis il tourna les yeux vers sa supérieure, sans doute pour lui demander son avis sans dire le moindre mot. Moi je restai muette et respirai profondément. Il faut économiser les dernières forces qu’il me reste, si je m’en tire, il me faudra encore quitter Shabondy sans que ces saletés de soldat ne m’attrapent.

Bien entendu, Fukami ne crut le moins du monde à mon bluff, le contraire aurait été étonnant. Le marine me braquait toujours avec son fusil, pendant que celui qui avait loupé son entré et s’était enfoncé dans la bave reprenait son arme en main, et appuya sur la détente. Le filet vola dans ma direction. La lieutenante me cria quelque chose mais je ne l’écoutais pas le moins du monde. L’arrivée de ce nouveau filet avait prit sa place dans mon crâne. Je pris une très rapide inspiration et sautai en avant malgré la douleur, mon bras droit lança une nouvelle lame de vent mais cette fois en direction du seul soldat qui ne tirait pas, et à la verticale de façon à décoller toute la bave au sol sur son passage. Derrière moi je pouvais sentir les mailles du filer frôler mes cheveux, pendant que devant le sol désormais presque propre m’accueillit sans la moindre délicatesse. La chute fut des plus douloureuses, une chute qui se résuma d’ailleurs plus en une sorte de galipette qu’un véritable bond. Et ma cheville prit un nouveau coup, ce qui me paralysa littéralement sur place, les mains sur la plaie et les dents serrées. Pendant ce temps le marin venait de se prendre la lame de plein fouet et dans la panique son coup de feu était partit traverser une des nombreuses bulles qui flottent encore et toujours dans le ciel de l’archipel. Je relevai la tête en direction de Fukami, les larmes au bord des cils tant la douleur était présente et lui dit d’une voix tremblante :

« Punaise, tu n’imagines même pas combien ça fait mal … Ouh bordel … et tu veux toujours te débarrasser de ton hypnose dont tu parlais tout à l’heure ? … Au lieu d’appeler encore des renforts, tu ne préfères pas que je t’aide à t’en libérer ? »

Une petite chose me surprit dans le comportement de la jeune femme. Elle se mettait à courir, mais pas courir pour fuir, courir pour attaquer. Moi qui pensais l’avoir trop abîmer pour qu’elle puisse se déplacer à cette vitesse, je m’étais visiblement trompée. Encore une fois. Elle me répondit tout de même que l’on ne pouvait pas la débarrasser de son hypnose, et qu’elle se fichait de la douleur de ma cheville, prétextant que je lui avais brûlé le bras. Mouais, pas suffisamment il me semble. Puis je la vis prendre une impulsion et ouvrir une dernière fois la bouche :

« Je vais te montrer que le sacrifice de mes chiens n'aura pas été vain Fu' ! »

D’accord si c’est comme ça. Je roulai instantanément sur le côté en me servant sur mon bras droit pour embellir le mouvement et limiter les vibrations nocives pour ma blessure, et de l’autre main je récupérai une de mes bombes restantes. La demi-seconde plus tard, alors que l’on pouvait voir le pied meurtrier de la lieutenante s’abattre exactement là où se serait retrouver ma nuque, j’activai ma petite bille explosive et lui donnai l’impulsion suffisante pour qu’elle reste momentanément en l’air pendant l’attaque de la jeune fille. Puis je fis une nouvelle roulade pour m’éloigner de la future explosion. En prenant en compte le timing et la gestuelle de la marine, elle devrait poser le pied à terre juste au moment où la bombe explosera. Et la déflagration lui brûlerait profondément l’entrejambe et toute la périphérie jusqu’à sa poitrine. Bien entendu c’est seulement si cette fois-ci je ne me trompe pas, et que ses hanches sont bien amochées comme je le pense. Mais sans l’appui que je lui aurais procuré, je ne pense pas que cela devrait se passer autrement, du moins je l’espère.

Tout d’abord, tout ce passa comme prévu, mais je n’avais pas du tout prévu qu’elle frapperait dans la bombe avant de poser le pied à terre. Et quand je vis ma propre arme se retourner contre moi, ma bouche n’émit qu’un seul mot :

« Merde. »

J’eu juste le temps de me mettre en boule et l’explosion nous projeta Fukami et moi dans le décor. Elle, dans sa propre bave, moi contre les débris de la grande roue. Quelques gouttes de sang s’échappèrent d’entre mes lèvres. L’explosion avait créé un épais nuage de fumée, qui n’allait certes pas durer très longtemps mais ce sera bien suffisant. Je revêtis mon invisibilité et me faufilai hors de l’arène puis m’adossai contre la paroi extérieure en respirant profondément. Le marine de tout à l’heure, celui avec le simple fusil, gisait à côté sans le moindre bruit. Une excellente chose. Je n’attendis pas plus longtemps et lui déchirai un morceau de sa veste afin de m’en servir comme bandage de premier soin, et éviter que des nouvelles taches de sang ne trahissent ma position. Un coup d’œil en arrière pour voir que la fumée commençait déjà à bien se dissiper. La lieutenante ne devrait pas tarder à s’apercevoir que j’ai disparue. Il ne faut donc pas perdre de temps. Tant bien mal, je me relevai et m’éloignai de cette fichue grande roue en ruine. Il est encore trop tôt pour moi que d’aller en prison. Une chance, il n’y a plus le moindre soldat dans les environs pour risquer de me mettre des bâtons dans les roues. Après quelques mètres à boiter, je me ré-adossai contre le mur d’une attraction et pris mon temps pour reprendre ma respiration et voir comment se déroule la suite. Je n’avais pas remarquée cela en entrant tout à l’heure, mais avec un parc en si mauvais état, l’entrée comme la sortie n’est pas réellement délimitée. Disons qu’elle est un peu partout, ça va m’aider pour quitter ce coin de fou.